jeudi 25 janvier 2007

Ce soir ou jamais

J'aime bien regarder Ce soir ou jamais sur France 3. Il a fallu que j'en parte pour qu'enfin, au bout de 4 ans, on ait enfin droit à une émission intelligente. La semaine dernière, je suis sorti un peu plus intelligent sur l'art contemporain, son financement, le lien avec la géopolitique des nations dans le monde et enfin la position des conservateurs dans ce marché, l'avenir de leur métier (et là, ça m'a renvoyé à mon premier boulot, au milieu des prétentieux conservateurs de bibliothèques, mais parmi lesquels, il y avait, malgré tout quelques perles). Bref... j'aime bien regarder Ce soir ou jamais et Taddei est toujours aussi bien que dans Paris Dernière devant lequel il m'arrivait de comater, comme lorsqu'il m'avait fait découvrir cette écrivain argentin, jeune avocate qui rédigeait sur ses affaires, dont j'ai oublié le nom mais pas le livre plein d'humour que j'avais emprunté à la bibliothèque puis lu (tiens, je reviens aux bibliothèques).

Bref, j'aime bien cette émission, j'en sors souvent plus intelligent, et là, la première partie de l'émission, malgré François Rollin et José Garcia autour du thème des catastrophes, de la morosité de l'époque, et des grandes pandémies avec comme point de départ le film sur la peste de Wargnier (Pars vite et reviens tard), était plutôt quelconque. Les seuls trucs que j'apprenais étaient complètement inutiles à cause de (ou grâce à ?) D'ormesson, toujours prêt à étaler sa confiture, du dernier météorite, il y a 65 millions d'années qui détruisit tout (qui sait que c'était il y a 65 et non pas 63, 64, 66, 770, 9000, 4 ou 381 millions d'années ?) à l'épidémie de peste des années 1350 avec un européen sur deux mort de cette maladie, ce qui semblait paralyser les humeurs joyeuses de José Garcia sans non plus m'apprendre un truc utile (je persiste à penser que tout ce qui est avant 1901 est peu utile donc ce que m'a appris D'ormesson ne me sert à rien). Bref, les comiques se la jouaient sérieux ou apeurés et l'autre m'apprenait des trucs qui ne me parlaient pas quand tout à coup, on donna la parole au philosophe de l'émission (Bernard Stiegler) qui n'avait encore rien dit, et d'ailleurs on lui donnait la parole en lui signifiant qu'il n'avait encore rien dit, donc on attendait un truc pointu pour combler les creux de tous les autres. Et je ne fus pas déçu, un joli discours sur un rythme lent, où il faut tendre l'oreille, où le silence se fait de plus en plus brillant au fur et à mesure que chacun boit ses paroles que je ne saurais reproduire ici complètement, mais simplement en tentant d'en sortir les grandes lignes après avoir introduit plus haut le contexte : il s'exprimait sur le pilotage de notre société par des intérêts court terme alors que nous ressentons tous que les problématiques actuelles ne sont traitables qu'à long terme, et que cela rend notre société plus angoissante, plus morose, plus polluante, et que chacun transmet à l'autre sa propre angoisse dans une sorte de maelstrom qui n'en finit plus de grossir, un mouvement brownien (ah mes cours de physique...) où plus rien n'est coordonné, ordonné et que ce mouvement là, après trois bons siècle de croissance joyeuse, de confiance dans le progrès, d'avancées sociales et humanistes, que cela vient donc après ces trois siècles à la fois d'ignorance aveugle et de confiance irréaliste, et que ce mouvement s'est donc inversé il y a trente ans, et qu'il faudra une bonne dose d'énergie pour renverser cette tendance. Et là, j'étais d'accord. Et là, je me suis dit que ce mouvement qui s'inverse depuis 3 décennies, selon ses mots, c'est ma vie, et que ce mouvement prendra du temps pour s'inverser, bien plus que ma propre vie, et donc, la période dans laquelle j'aurais vécu aura été, dans l'histoire, la période la plus morose de l'ère moderne. Ca m'a fait froid dans le dos. Je bénéficie d'un progrès, je vivrais plus longtemps que mes ancètres, dans plus de confort, mais avec une conscience que tout ça a un prix que je paie par l'ambiance triste de l'époque, avant sans doute que mes enfants ou les leurs vivent des ambiances plus heureuses en reniant un peu de ce confort, ou comme le disait le philosophe, en réinventant complètement un nouveau mode industriel (moins de pétrole, plus d'internet), lequel ne se dessine pas, je le répète car il faudrait un pilotage du progrès sur une vision long terme, ce que l'homme n'a jamais su faire à mon sens, et a oublié en ce moment.

Et avoir cette vision là, ce recul de trois décennies après trois siècles, c'est commencer à regarder un peu plus loin que les cinquantes dernières années qui, traditionnellement (et cet adverbe est bien choisi pour son double sens) m'intéressent uniquement. Et si j'aime si peu regarder en arrière dans le rétroviseur au-delà d'une douzaine de décennies, c'est peut-être, mais cela reste à confirmer, que je n'aime pas la confrontation car elle sous-tend inconsciemment la malchance d'être dans cette époque.

J'aime bien Ce soir ou jamais, car c'est la télé qui me permet alors de réfléchir à ce type de sujet : ma place dans l'univers !

Ca fait coucher tard, mais c'est important, ma place dans l'univers....

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